
RITUHËLL
Illustrations & Légendes

Textes bonus
Retrouvez ici quelques petits passages bonus en lien avec le Journal de l'Âme. Ils ont été écrits car c'était un bon exercice d'écriture et je vous les laisse accessible car vous les aviez apprécié à l'époque.
Certains sont des réecritures sous un autre style des passages du Journal de l'Âme, tandis que d'autres sont des scènes en plus.
- Bonus 1 - L'enfant
Riddim transportait la paille pour les animaux, le visage couvert de sueur, lorsqu’il entendit quelqu’un entrer dans la grange. Il se retourna, étonné de voir Feths dans l’ombre de la porte.
« Que veux-tu ? »
Riddim avait marmonné, en retournant à sa tache. L’idée de discuter avec l’homme ne l’enchantait pas. Il préférait l’éviter un maximum, et c’était réciproque. Ils ne se voyaient presque jamais, sauf en cas de nécessité.
« J’aimerais que l’on prenne le temps de parler un peu. Nous sommes partis sur de mauvaises bases. »
Riddim soupira, et abandonna définitivement son fardeau, pour se poser face au roux. Le regard de ce dernier était sincère.
Le garçon hésita quelques secondes, se demandant si rester seul dans la grange avec lui était judicieux. Mais Feths ne semblait pas avoir de mauvaises intentions.
« D’accord. De quoi veux-tu me parler ? »
Feths s’installa sur le sol, et fit signe à Riddim d’en faire de même. Face à face, ils se regardèrent quelques secondes.
« Hum... Tu vas bien ?
— Aussi bien que je puisse aller. » répondit sèchement Riddim.
Feths soupira, et se mordit la lèvre. Il posa sa main sur la cuisse de Riddim, qui sursauta, mais ne se dégagea pas.
« Tu sais, nous avons beaucoup de points communs. Et de qualités. Ensemble nous pourrions faire beaucoup. Apporter à la communauté.
— Si c’est pour me dire ça... »
Riddim fit mine de se relever, mais Feths lui attrapa le bras, et en profita pour le plaquer au sol. Il était au-dessus de lui. Le regard brillant.
Leurs visages étaient séparés de quelques millimètres. Riddim écarquilla les yeux lorsque Feths l’embrassa. Il tenta de se dégager avant de se laisser emporter. Il ferma les yeux. Son cœur battait plus fort qu’il ne l’avait jamais fait.
Leur baiser dura une éternité. Lorsque leurs lèvres se détachèrent, Feths se redressa légèrement, son regard planté dans les orbes dorés de Riddim. Il hésita, et murmura :
« Faisons un enfant. »
Soudain, Riddim le repoussa. Honteux de s’être laissé ainsi faire, il grogna :
« C’est donc ça. Un enfant. Tu penses sincèrement que je vais te pardonner, et te laisser me toucher ?
— Nous...
— Il n’y a pas de nous. Il n’y aura jamais de nous. »
Riddim, les joues rouges, quitta la grange en marmonnant : « S’il croit que je vais le laisser me toucher... Il se trompe. »
- Bonus 2 - Mensonge
Installé dans la hutte de Feths, Riddim jouait avec ses cheveux. Le ciel était sombre. Il pleuvait depuis le midi, encore et encore. La pluie donnait envie au jeune homme de pleurer.
Il s'ennuyait.
Feths entra à se moment-là. Détrempé, il se débarrassa de sa cape, et se colla au roux pour l'embrasser. Riddim se laissa faire, le regard vide. Il ne résistait plus depuis longtemps.
Feths n'attendit pas longtemps avant de de dévêtir, ayant visiblement envie de sexe et de chaleur ce soir là. Mécaniquement, Riddim alla se poser sur le tas de tissus et de coussins qui trônaient sur le côté de la pièce.
Mécaniquement, il coucha avec son époux, pour une énième fois, sans sentiments, et sans même y penser. Il n'était rien d'autre qu'un pantin sans âme.
« Je t'aime. »
Ses mots, murmurés par Feths, firent sursauter Riddim.
« Mensonge. »
L'homme se releva, blessé par ces mots. Il se rhabilla et quitta la pièce. Riddim n'entendit jamais son sanglot.
- Bonus 3 - Promesse
Riddim mourrait à petit feu. Son visage émacié était le reflet de sa douleur. Sa respiration sifflante menaçait de s'arrêter chaque jour.
Gaya venait, un panier de fruits à la main , pour tenter de le faire manger. Mais il refusait. Encore et encore.
Rythm jouait sur le plaisir, et lui proposait des champignons. Mais même la magie ne venait pas briser ses défenses.
Parfois, Feths venait. Le visage sombre et fermé. Il regardait Riddim dormir. Et il partait toujours avant son réveil.
Le jeune homme allait de plus en plus mal.
« Riddim ? »
Il ouvrit les yeux. Ses pupilles auparavant dorées étaient devenue ternes. Il chercha du regard qui avait prononcé son nom. Quand il comprit, sa bouche s'assécha.
Homme le regardait, l'air peiné.
Il ne venait plus le voir depuis des mois. Sans doute que la vision de cet être décharné lui rappelait son échec. Il n'avait pas réussi à prendre soin de lui. Homme s'était toujours juré que ses sept compagnons ne souffriraient jamais de son vivant. Qu'ils seraient à l'abris de la mort.
Voir Riddim dans cet état était trop dur.
Le visage de Saën se superposait à celui du roux.
« Est-ce un rêve ? » murmura le malade, avec le peu de forces qui lui restaient. Entendre tout cet espoir dans la voix de son ami, son amant, fit comprendre à Homme qu'il devait l'aider. Qu'il ne devait pas l'abandonner.
Il s'installa à ses côtés, et lui prit la main.
Dans ce geste, il y avait une promesse.
- Bonus 4 - Victime
Cette nuit là, Homme vint de nouveau. Riddim, habitué, s'était allongé sur le ventre, nu. Il attendait que son amant fasse son affaire pour ensuite aller dormir.
Mais quand Homme eut finit, il ne partit pas immédiatement. Plein d'espoir, Riddim se retourna. Le visage de celui qu'il aimait était sombre. Ses yeux brillaient de curiosité et de colère.
« Pourquoi ? »
Riddim comprit immédiatement. Il serra les jambes, gêné. Depuis toutes ses années, il n'avait parlé à personne de ce qu'ils avaient fait. De la façon dont il s'était mutilé.
Il avait tenté de l'oublier, mais le regard accusateur de l'homme lui rappela toute sa honte. Les sanglots ne vinrent pas. Mais les mots si.
« Je... Je ne me sentais pas capable d'assumer de nouveau... J'avais besoin. Ensemble, nous avons fait ce qu'il y avait de mieux. »
Sans un son, les lèvres de Homme formèrent la question. Qui ? Qui avait osé faire ça. Qui avait laissé Riddim faire ça ?
« Je... Feths. »
Il n'y avait rien de plus à dire. Homme quitta le lit sèchement, sans un au revoir.
Le lendemain, lorsque Riddim partit travailler, il croisa Feths. Se dernier était couvert de cicatrice. Son dos était en sang. Il avait été fouetté. Encore et encore.
Riddim n'osa pas s'approcher. Mais quand il croisa le regard de son époux, il comprit qui avait fait ça.
Mais il ne fut pas soulagé. Il n'en fut pas heureux. Il ne pouvait simplement par comprendre comment Feths, celui qui pendant toutes ses années avaient été si fort et intouchable, se retrouvait ainsi.
Il n'arrivait pas à le voir autrement qu'un bourreau. Jamais il ne serait la victime.
- Bonus 5 - Déclaration
Adossé à un arbre, Rythm touchait ses lèvres du bout des doigts. Un petit sourire éclaira son visage. Son cœur battait la chamade. Il n’arrivait pas à réaliser sa chance.
Linds lui avait fait sa déclaration.
Linds, la belle apprentie de son frère. Celle qu’il regardait chaque jour, désespérant d’être bloqué par sa timidité. Il n’osait pas lui parler. La regarder était sa principale source de bonheur, mais la peur d’être rejeté l’empêchait de faire le premier pas.
Chaque jour, il admirait ses longs cheveux bruns, ses gestes graciles et son regard aussi pur qu’une fée. Et chaque fois, il se cachait, de peur d’être surpris.
Il repensait à sa voix… Il ne pouvait pas s’en passer. Il était définitivement amoureux.
« Rythm ? Que fais-tu ? »
La voix de son aîné le sortit de ses pensées, et Rythm se redressa. Riddim le regardait, un sourire au coin des lèvres. Il devait se douter du bonheur de son frère. Il avait assisté à la scène, et au baiser chaste que les amoureux avaient échangé.
Rythm rougit.
« Je rêvasse. Tu me connais » marmonna-t-il, un peu honteux.
Riddim leva les yeux au ciel, et rétorqua, amusé :
« Le sujet de rêves ne serait pas cette adorable petite brune ?
- Linds » Rythm secoua la tête, et soupira de bonheur. « N’est-elle pas magnifique ?
– Elle a capturé ton cœur. »
Riddim s’installa dans l’herbe et fit signe à son frère de le rejoindre. Ils se fixèrent quelques secondes, dans un silence complet, avant d’éclater de rire à l’unisson.
« Rends-la heureuse.
– Je ferais tout pour la mériter. »
Le roux hocha la tête, et regarda au loin. Ils se trouvaient dans la forêt qui bordait la cité. Non loin de son ancienne hutte. D’ici, ils pouvaient voir la ville s’affairer. Leurs enfants donnaient vie à ce monde. Il remarqua Guadrevin, qui arpentait les rues du marché. Il disparut aussitôt, happé par le monde.
Mais cette simple vision l’effraya.
« Rythm...
– Je sais à quoi tu penses. »
Riddim fixa son frère cadet, étonné. Ce dernier continua :
« J’ai peur également. Si un jour, Guadrevin souhaite épouser Linds… L’enfermer dans son château avec ses autres filles… Je ne sais pas si je pourrais rester sans réagir.
– Ça n’arrivera pas. Je connais notre roi. Il ne t’enlèvera pas ta bien aimée. »
Le plus jeune soupira, triste.
« C’est déjà arrivé, pourtant.
– Comment ça ?
– Je. »
Rythm chercha ses mots quelques instants, et une larme perla au coin de son œil.
« Il y avait une femme. Selha. Elle m’aidait à la ferme, et me tenait chaud le soir. Nous n’avions pas besoin de nous parler pour nous comprendre. Un regard suffisait. Un jour, Guadrevin la réclama. Elle ne voulait pas, mais elle fut forcée de choisir entre le mariage et la mort. Elle accepta. Je regrette toujours de ne jamais lui avoir dit « Je t’aime ». Je ne l’ai jamais revue. »
La larme coula le long de sa joue. Il l’essuya machinalement. Riddim n’osait pas bouger. Il hésita, et répondit :
« Pourquoi ne m’avoir rien dit ? J’aurais pu lui passer un mot. Lui transmettre tes sentiments.
– Qu’est ce que ça aurait changé ? Tu ne lui aurais infligé que plus de regret, de douleur. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue, et je ne veux pas le savoir.
Mais je ne veux pas que Linds subisse la même chose. »
Riddim se leva, et déclara :
« Jamais ça n’arrivera. Jamais. »
- Bonus 6 - L'épée
« Elle est terminée ? Hein qu’elle est terminée ? » fit Riddim en sautillant.
Voilà une dizaine de minutes qu’il tournait autour de Feths, la bouche en cœur, attendant son bien avec impatience. Ce dernier répondit par un sourire malicieux, avant de faire signe au roux de l’attendre.
« Je vais la chercher. »
Riddim s’installa sur une pierre, fébrile et excité. Feths allait apporter une arme de sa confection. Mais pas n’importe laquelle, celle-ci était spéciale.
Elle avait été créée spécialement pour lui. Après des mois de demandes, et plaintes répétées, le forgeron avait cédé. Il avait travaillé d’arrache-pied pour trouver la forme qui conviendrait le mieux au roux.
Ni trop lourde, ni trop légère. Pas trop grosse, mais rapide et coupante.
Un défi à sa taille.
Quand il arriva, la pièce dans un chiffon, Riddim sauta de sa pierre, et s’approcha. Il lui arracha des mains, et la regarda avec plaisir.
« On dirait une lance, mais plus courte. Et le bâton est minuscule, comparé à la lame. » Il gloussa, et soupesa le poids de l’arme. « Elle me semble idéale, et un peu étrange. Comme l’utilise-t-on ?
– Je te laisse le découvrir par toi-même. »
Riddim commença à jouer avec son nouvel outil, heureux. Feths s’éloigna, évitant de peu de se faire couper.
« C’est bien ma veine ça. Mon seul moyen de le rendre heureux est de lui donner de quoi me tuer… »
Au bout d’une bonne heure de gesticulation, Riddim baissa l’arme avec un sourire épanoui. Feths en profita pour se rapprocher, et demanda :
« Elle te plaît ?
– Énormément ! Je ne pensais pas devoir te dire ça un jour, mais… merci, Feths. »
Riddim déposa un doux baiser sur les lèvres de Feths, avant de s’enfuir, son bien à la main. Feths cligna des yeux.
Jamais il n’avait senti son cœur battre aussi fort.
- Bonus 7 - Retrouvailles
Comme toujours, cette journée-là fut grise.
Le ciel était couvert d’épais nuages noirs. La cité était terne et sans éclat. Au centre de la place, morose, Feths tournait en rond. Comme tous les jours.
Parfois, il se tournait, et regardait au loin. Il espérait. Mais aucun de ses espoirs ne se réalisait. Alors il baissait la tête, et recommençait à tourner, arpentant la place, encore et encore.
Voilà des années que Riddim avait quitté Abar. Personne ne savait ce qu’il était devenu. Parfois, des rumeurs disaient qu’il avait été aperçu dans les villages libres. Mais rien de concret. Aucune piste stable.
Parfois, Feths quittait alors sa boucle, et préparait ses affaires. Il remplissait un sac de denrées, de vêtements chauds. Il était décidé à partir à la recherche du roux.
Mais Guadrevin l’arrêtait à temps. Comme toujours. Comme s’il le surveillait. Il le convainquait de rester. Et si Riddim revenait pendant son absence ? Et s’il repartait aussitôt ? Des arguments bien faibles, mais qui suffisaient à le stopper.
Si une telle chose arrivait, il s’en serait voulu. Il ne s’en serait jamais remis. Voilà trop longtemps qu’il attendait. Qu’il désespérait.
L’homme avait changé, depuis le départ du roux. Ses cheveux avaient poussé, et lui tombaient dans le creux du dos. Auparavant, Riddim était toujours là pour l’aider, lui couper, lui rappeler de les entretenir… Maintenant, il refusait que quiconque s’approche de la moindre mèche.
Le soir, il fermait les yeux, et imaginait ses doigts graciles. Il se remémorait leur douceur. Il tentait bien que mal de se souvenir de l’odeur de Riddim. Une odeur de forêt, de champs, de nature.
Parfois, il se levait, et courait jusque l’orée des bois. Il cherchait leur ancienne hutte. Alors, il s’y posait. Tout avait pris la poussière. Les araignées y avaient élu domicile. Feths s’en moquait. Il retrouvait les anciens lainages du roux, et s’enroulait dedans.
Il n’osait pas les sortir d’ici. Comme si y retirer quoi que ce soit empêcherait Riddim de revenir. Alors il passait sa nuit là, dans le nord, dans le froid, à pleurer.
Pleurer en espérant que l’amour revienne.
Mais ce jour-là, alors que pour la millième fois il soupirait, les bras dans le dos, le regard au sol, il entendit un bruit de pas. Un pas particulier, qu’il aurait pu reconnaître entre tous.
Il leva les yeux. Le regard perdu, il lui fallut quelques secondes pour comprendre. Il était revenu. Il était revenu !
Feths quitta la boucle, et enlaça Riddim.
Un geste empli d’espoir, d’amour et de bonheur. Le geste le plus doux et sincère qu’il n’ait jamais eu envers le roux.
Il l’embrassa.
Ses lèvres, mouillées par les larmes, eurent le goût du bonheur.
- Bonus 8 - Mort au roi
Les portes tremblèrent. Une fois. Deux fois. Avant de s’ouvrir dans un profond fracas. Les dieux lâchèrent le bélier, et s’engouffrèrent dans le château. L’excitation était à son comble. Les combats faisaient rage tout autour d’eux. Les derniers guerriers, fidèles au roi, étaient décimés les uns après les autres. Les trahisons avaient été si nombreuses que peu d’hommes étaient restés défendre la demeure du roi. Les derniers étaient des fous, tués par leurs anciens camarades.
Neil traversa la foule, fauchant au passage de nombreuses vies. Il ne s’attarda pas sur ses assaillants, menant l’assaut sans y prêter garde. Il arriva dans la salle du trône.
Elle était aussi imposante que dans ses souvenirs. Le reflet parfait de la personnalité du roi. Un lieu où le malaise était constant. Un lieu ayant abrité la débauche. Il cracha, et s’avança.
Au fond de la salle, un trône imposant semblait ancré dans le sol. Et dessus, comme endormi, l’homme responsable de toute cette misère. Un gobelet d’argent à la main, les yeux fermés, il était à la merci des assaillants.
« Nous arrivons à temps. Le somnifère a fait effet. » soupira Neil à son compagnon d’armes, qui hocha la tête.
« Attachez-le, avant qu’il ne se réveille. Et trouvez ses partisans. Nous les jugerons dès que possible.
– Bien mon seigneur. »
L’homme se permit un soupir de soulagement, et regarda les guerriers soulever le roi endormi. Même dans cet état, il respirait la cruauté. Il continuait à inspirer la crainte.
« Quand il sera mort, ce sera un soulagement. Dépêchons-nous de finir les préparatifs.
– Serah, où est le conseiller ? » demanda Neil, en examinant les alentours. « Je ne l’ai guère vu depuis la bataille. Est-il mort ?
– Nous l’avons capturé. Ses mains sont liées, mais personne n’osait s’attaquer à lui.
– Nous devons nous assurer qu’il ne posera pas de soucis lors du jugement. » l’homme désigna une cour à l’extérieur, et ajouta : « Vous devriez aller lui parler.
– L’ancien apprenti s’occupe de son maitre, n’est-ce pas ? » ricana Neil, froidement.
Il n’avait aucunement l’envie de supporter les reproches de son maitre, et encore moins de voir son regard ambré se teinter de déception.
Néanmoins, il n’avait guère le choix. Il attrapa une hache, et prit la porte en la serrant entre ses doigts. En cas de soucis, il devait se défendre.
Quitte à tuer celui qu’il admirait depuis son plus jeune âge.
Les prisonniers de guerre avaient été réunis dans la cour, dans des cages grossières de bois. Ils regardaient les révolutionnaires passer avec le visage teinté de dégout. Le mépris se lisait sur leurs yeux. Au centre de l’une de ses cages, un homme au teint cireux était assis, le visage ravagé par l’inquiétude.
Dès que Neil s’approcha, il se précipita aux bords de sa cage, et s’exclama :
« Mon ami ! Libère-moi.
– Je ne peux pas, Riddim. » Neil secoua la tête, accablé. « L’ère des premiers dieux est finie. Vous avez abusé de vos pouvoirs, et détruit notre terre. Nous devons rétablir la paix maintenant.
– La paix n’est qu’un principe. Elle n’existe pas. Elle n’a jamais existé. Avez-vous vraiment perdu l’esprit au point de trahir vos pères pour une idéologie sans fondement ?
– Ose me dire que la folie n’a pas rongé chacun d’entre vous. Guadrevin est devenu l’ombre de lui-même. Feths a détruit nos forêts. Tu as oublié ton âme. Ekhlat est mort. Vous n’êtes plus capables de régner sur les Abarians. C’est à notre tour de tenter notre chance.
– La folie te guette aussi mon ami. »
Riddim se laissa tomber sur le sol, et détourna les yeux avec dépit. Les mains liées, il ne pouvait agir. Il allait abandonner lorsqu’il vit des soldats passer, d’immenses branches dans les bras. Il releva les yeux, interrogateurs. Neil répondit à sa question muette :
« Il s’agit des préparatifs pour le bûcher.
– Le bûcher ? » répéta bêtement Riddim avant de comprendre. « Vous n’oseriez pas…
– Nous n’avons pas le choix. Le seul moyen d’expier ses fautes et de laver son âme est de le tuer dans la peur. Son angoisse la plus profonde lui permettra de mourir loin de ses pulsions malsaines. »
Riddim ferma les yeux, et se détourna. Comprenant qu’il ne pourrait rien tirer du conseiller, Neil fit volte-face. Les préparatifs l’attendaient.
Le soleil se couchait quand les dernières planches furent installées. La place grouillait de monde, soldats, hommes, femmes, enfants. Tous partageaient leur opinion à propos de la révolution.
Et tous semblaient soulagés que le règne de douleur prenne enfin fin. Les derniers contestataires avaient été décimés, et seuls les dieux importants étaient encore en vie, attendant leur jugement avec crainte.
Riddim ne faisait pas partie de ceux-là.
Il serait libéré, une fois le roi définitivement parti. En attendant, ses bras avaient été liés, et deux gardes le surveillaient chaque seconde. Il avait tenté maintes fois de s’enfuir, en vain. Sans ses mains, sa magie lui était impossible. Sans ses mains, il ne pouvait dégainer son épée. Il était aussi inoffensif qu’un nourrisson. Et ses cris de rage ne cessaient de couvrir les murmures incessants du peuple.
Et c’est installé en première loge, à quelques pieds du bûcher, qu’il assista à toute la scène.
Le jour avait presque disparu quand le roi fut amené. Son visage gardait encore quelques traces de son précédent sommeil, mais cet aspect était totalement éclipsé par la haine qui déformait ses traits.
Bâillonnés, seuls des grognements étouffés par le tissu s’échappaient de sa bouche. Il se débattait, mais la fatigue et les années de maladie l’avaient laissé faible. Il lui était impossible de se défaire seul.
Riddim le regardait avec tristesse, ne souhaitant qu’une chose. Se lever et lui apporter son soutien. Mais il avait tant crié qu’il en avait perdu la voix. Les larmes perlant aux coins des yeux, il vit ses propres fils attacher leur roi, le dénuder aux yeux du monde, et le juger.
Guadrevin, le regard empli de terreur, regarda la mort venir à lui.
La mort sous la forme de sa pire crainte. Le feu. Les flammes l’engloutirent rapidement, et ses cris de douleur se mélangèrent au crépitement.
Il ne resta bientôt plus rien de celui qui avait été le père de tous. Et seul Riddim pleura réellement l’homme.
Les larmes coulèrent des yeux de ses sujets. Des larmes de soulagement.
